Vous avez remarqué ? Depuis quelques semaines, le compteur du blog s'est un peu emballé. Il est vrai que je me suis fait un peu de pub dernièrement, mais je crois aussi que les visites d'un petit robot détraquent un peu la machine. Qu'importe: même si le compte m'apparaît un peu faussé, je trouve que c'est une belle coïncidence que de vous parler de Clint Eastwood au moment où je passe la barre de 10.000 visites. J'avais de toute façon l'intention de le faire aujourd'hui. Pourquoi cela ? Tout simplement parce notre homme fête en ce lundi ses 80 ans. L'admiration que j'ai pour lui alimente cette (courte) rétrospective de sa carrière. Huit films, huit photos.
Certes, ce n'est pas très original mais Clint Eastwood, pour moi, c'est d'abord et depuis longtemps le fameux Blondin dans Le bon, la brute et le truand. Même si j'ai laissé passer une vraie belle occasion cette année, je ne désespère pas de revoir cet immense classique signé Sergio Leone sur grand écran. Il faudra bien aussi qu'un jour, j'en parle ici de manière un peu longue. Ce qui est clair, c'est qu'il est à mon égard totalement addictif. J'ai la cassette vidéo et les DVDs, version cinéma et version longue (saccagée par Warner !). J'ai aussi l'habitude d'en regarder au moins un petit bout à chaque rediffusion télévisée. Lors du dernier visionnage intégral, je me suis d'ailleurs rendu compte que j'avais occulté quelques détails. Heureux constat que voilà: je découvre encore des choses dans mon film-culte. Pourvu que ça dure ! Et en tout cas, pas l'intention que ça cesse...
En comparaison, c'est tardivement que j'ai découvert Un frisson dans la nuit. Ce thriller est le tout premier film de Clint Eastwood réalisateur. Il a été tourné en 1971, époque à laquelle la star n'hésitait pas à cumuler les fonctions, devant et derrière la caméra. Il est à noter qu'avant d'imposer un personnage d'homme intraitable, ce bon vieux mâle apparaît ici comme un être pour partie vulnérable. Dans ce coup d'essai formellement très réussi, il est même l'incroyable victime... d'une femme. D'abord enjôleur et donc très sûr de lui, il devient finalement très vite dominé et pour tout dire menacé quand la créature qu'il séduit s'avère une pure psychopathe. D'emblée, presque à contre-emploi, le héros montrait ses failles.
C'est beaucoup moins flagrant quand il incarne L'inspecteur Harry. Je vous l'avoue: j'ai eu beaucoup de mal à accepter ce personnage. Quand j'étais plus jeune, enfant ou ado, je le trouvais même franchement détestable. Disons toute la vérité: ça ne s'est d'ailleurs pas beaucoup arrangé. Ce qui a changé, en revanche, c'est que j'ai pris un peu de recul et que j'entends moins le propos de cette série de films au tout premier degré. Je me souviens qu'eux aussi datent du début des années 70, époque où l'Amérique était très différente de ce qu'elle est aujourd'hui. Depuis, Clint a changé, lui aussi. Reste donc ce personnage: Harry Callahan m'apparaît désormais en figure archétypale de son époque. Antipathique, peut-être, mais à sa place dans le contexte. Et dès lors beaucoup moins choquant qu'il n'a été.
Doux, dur et dingue ! Combien de fois ai-je écouté les répliques d'Eastwood dans ce film ? Un nombre incalculable, sans doute. Ado juste sorti de l'oeuf, je trouvais les vannes de ce drôle de film franchement bien senties, au point même d'en avoir enregistré quelques-unes sur mon ordinateur. Le paradoxe, c'est qu'aujourd'hui, je ne me souviens que de très peu de choses vraiment précises quant au long-métrage lui-même. Je me rappelle que le héros acceptait fort mal de se faire enquiquiner par une bande de motards, les Veuves noires. Extrait: "Tu sais que ces petites veuves noires tuent plus d'monde chaque année que les serpents à sonnette ? C'est pas vrai ? Oui, c'est vrai !". Le reste s'est totalement effacé de ma mémoire. Sauf Clyde, bien entendu, l'orang-outan qui tient lieu de second rôle. De quoi rire ? Pas sûr. Tenez-vous bien: sorti en 1978, ce film proche du nanar est resté pendant 14 ans le plus grand succès de Clint !
C'était avant la sortie d'Impitoyable, en 1992 donc. Avec ce western, je crois que Clint a définitivement tourné une page. Vous pourrez sans doute lire un peu partout qu'il y a là le crépuscule du genre, mais je dirais pour ma part que le revirement va même au-delà. Impliqué sur tous les fronts, acteur, réalisateur et producteur, Eastwood signe pour moi le film de la maturité. Je pense sincèrement pouvoir dire qu'il y a un avant et un après: par la suite, c'en sera fini des rôles caricaturaux de dur à cuire, et définitivement me semble-t-il. Certes, il arrivera encore que le vieux cow-boy dégaine un flingue, mais jamais plus il ne donnera entièrement raison à la justice expéditive. C'est peut-être bien depuis ce changement qu'il a définitivement pour moi endossé les habits du monstre sacré.
Tout ça préfigure le Walt Kowalski de Gran Torino. Quand j'ai découvert ce film-là, j'ai en tout cas eu le sentiment que Clint était parvenu au bout de son propre chemin de rédemption. Je ne sais évidemment pas si l'avenir me donnera raison, mais je lui laisse tout le temps d'en décider, en notant que la prochaine livraison eastwoodienne, censée être un long-métrage fantastique, pourrait bien conforter ma théorie. En tout cas, dans ce qui est encore aujourd'hui la dernière en date, je crois qu'on retrouve beaucoup d'éléments de l'homme qu'est devenu le réalisateur aujourd'hui. Et c'est présenté avec classe, en offrant une dernière apparition face caméra. Sans doute un peu ébloui, je dois dire que j'en ai oublié d'apprécier le travail des autres acteurs. Partie remise, évidemment. Mais je n'avais pas rêvé plus belle fin pour leur maître à tous...
Et maintenant ? Je suis heureux d'avoir encore l'occasion de découvrir d'autres pièces du puzzle Clint. Je n'ai vu qu'une partie de ses films, peut-être même pas la majorité. Il y en a encore beaucoup de bons qui m'attendent au détour d'un canapé et, je l'espère, quelques-uns aussi d'un fauteuil de cinéma. Lequel sera le premier ? Je ne sais pas encore. Peut-être bien Sur la route de Madison, dont j'ai juste vu une petite partie il y a quelques années, mais que je n'ai jamais pu savourer en entier. Il attend sagement sa place dans ma collection, avec quelques autres dont je reparlerai ici tôt ou tard. Patience. J'imagine que ce sera encore meilleur après avoir tant attendu.
Et puis, comme je l'évoquais à l'instant, Clint est toujours actif. Cette dernière photo a été prise sur le tournage du superbe Lettres d'Iwo Jima, le dernier de ses films qui m'a réellement bouleversé. Depuis, je me suis promis de ne plus rater la moindre de ses oeuvres en salles: j'espère qu'il y en aura encore beaucoup. Je repense souvent à ce jour où, récipiendaire d'un prix, il avait souri et promis à la foule que nous n'en avions pas terminé avec les Eastwood, citant non pas ses fils mais... sa mère, toujours bien vivante au moment du discours. Je ne sais pas si elle l'est toujours aujourd'hui, mais c'est possible: l'anecdote date d'il y a seulement quelques années. Souhaitons donc au héros du jour la même épatante longévité !