mardi 2 février 2010

Sur un air d'harmonica

Si je trouvais une machine à remonter le temps, je crois vraiment qu'une des choses que je ferais volontiers serait d'aller découvrir toute une série de vieux films en salles. Le mieux, ce serait encore de rester dans mon époque à moi et de pouvoir également les revoir pour la première fois sur écran géant. Je suis encore trop peu connaisseur pour citer de nombreux exemples, mais je pense clairement qu'un long métrage se savoure avec un plaisir d'autant plus important qu'on est en phase avec son contexte historique. Prenez Il était une fois dans l'Ouest, par exemple. L'ayant revu récemment, à l'occasion en fait du dernier Jour de l'an, je me suis proprement régalé. N'empêche, il me manque toujours le détail ultime: le choc à l'heure de découvrir Henry Fonda, l'habituel héros défenseur de la veuve et de l'orphelin, dans un rôle de méchant. J'imagine facilement que le frisson que je ressens lorsque la caméra de Sergio Leone tourne autour de lui pour le présenter, d'autres ont dû l'éprouver avant moi, et beaucoup plus intensément encore ! Veinards ! Bon, je ne vais pas faire la fine bouche: même s'il avance vers son demi-siècle, j'estime que ce chef d'oeuvre du western italien n'a pas pris une ride. Je l'ai d'autant plus apprécié que ça faisait déjà un sacré bail que je ne l'avais pas revu. Quel bonheur renouvelé !

Si vous faites partie de ceux qui ne l'ont pas vu du tout, je dirais alors qu'il est grand temps de vous rattraper. L'histoire, c'est d'abord celle d'une femme, jouée par Claudia Cardinale - que vous aurez pu reconnaître juste au-dessus. Cette femme a rencontré un homme. Amoureuse, elle part l'épouser au milieu de nulle part. Problème: quand elle descend du train dans sa jolie robe, personne n'est venu l'accueillir. Son futur mari est mort et toute sa famille avec lui. Oui, Il était une fois dans l'Ouest débute presque sur un assassinat. Presque. C'est en effet un film qui prend son temps. La seule scène qui précède, l'arrivée d'un homme au même endroit, et par le train également, dure un bon moment. Là aussi, quelques coups de feu sont échangés, les deux morceaux d'intrigue devant fatalement s'imbriquer pour nourrir une sombre histoire de vengeance(s). Assez ! Je n'aime pas laisser mes lecteurs sur leur faim, mais là, pardon: l'idée de dévoiler la substantifique moelle de ce scénario m'effraie encore davantage que l'inquiétude de ne pas en dire suffisamment. J'admettrai tout au plus qu'il faille avoir un intérêt pour le genre western pour véritablement profiter de ce petit bijou. Et encore ! Je constate que ma propre mère, qui n'est pourtant pas une inconditionnelle des duels au revolver à l'ouest du Pécos, a quelque estime pour ce film-là. Tout public, certainement pas. Disons que ses qualités intrinsèques lui permettent de transcender les petites cases dans lesquelles on pourrait vouloir le ranger.

S'il y a probablement, dans la belle histoire du septième art, un avant et un après Il était une fois dans l'Ouest, c'est sans doute avant tout à la réalisation de Sergio Leone qu'on le doit. Encore faut-il souligner - ou rappeler - que le maître italien a toujours su s'entourer. Son complice le plus évident est bien sûr le compositeur Ennio Morricone, l'incomparable créateur de toute la bande originale. Cette musique, ou plutôt ces musiques - puisqu'il y en en fait une pour chaque personnage important - transforment et rehaussent l'oeuvre cinématographique au rang d'opéra. Unités de temps, de lieu et d'action: toutes sont un peu malmenées, mais c'est pourtant comme une tragédie qui se déroule sous nos yeux, non exempte d'humour d'ailleurs, mais dont l'essentiel de la trame tourne bien autour de l'idée de mort. Pour magnifier encore cette oeuvre à l'éclat presque parfait, il fallait certainement une distribution de qualité irréprochable. J'ai déjà parlé d'Henry Fonda, mais j'insiste encore pour dire qu'il est ici tout simplement grandiose. Claudia Cardinale, elle, joue à merveille la femme indépendante, celle qui ne baisse pas les yeux devant l'homme, et c'est d'autant plus fascinant, que, mine de rien, cette figure n'est pas si classique dans le western. Ajoutez-y Charles Bronson campant un mystérieux homme à l'harmonica, et n'oubliez surtout pas Jason Robards dans la peau d'un brigand surnommé Cheyenne: vous tenez là, en plus des autres, un quatuor d'acteurs de très haut vol. Avec eux, les presque trois heures de film passent à la vitesse fulgurante du cheval lancé au grand galop !

3 commentaires:

  1. J'ai vu ce monument à sa sortie en salle , et oui privilège de l'age. Le regard gris de Bronson en plan serré sur écrant géant, avec la musique du grand Ennio en stéréo vous marquent à vie, je le confirme, car ceci n'est rien d'autre qu'un opéra...!!

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  2. Avec Visconti et Wong Kar-wai, Leone pratiqua un cinéma essentiellement proustien, réflexion nostalgique et mélancolique sur le temps (et le cinéma) perdu, sans oublier les blessures vives de l'Histoire, italienne ou autre...
    http://lemiroirdesfantomes.blogspot.fr/2014/12/les-cendres-du-temps.html?view=magazine

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  3. @Jean-Pascal:

    Bien vu, votre parallèle Leone / Visconti !

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