C'est avec un Bunuel que j'ai presque inauguré ce blog. C'est maintenant avec un autre Bunuel que je vais le poursuivre. Aujourd'hui, je vous propose une chronique autour de La voie lactée, film de 1968 - ce qui pourrait bien expliquer le thème abordé. N'allons pas trop vite en besogne. Deux mots sur l'intrigue, d'abord. Ce long métrage sans immense star suit les pas de deux vagabonds, Pierre et Jean, en pèlerinage vers Saint-Jacques de Compostelle. Sitôt en chemin, nos deux larrons croisent un homme assez étrange, qui leur indique qu'ils auront des enfants avec une prostituée. Drôle de mise en route d'un récit tourné vers la religion, sous ses aspects les plus divers: de la foi au doute, en passant aussi par les pratiques hérétiques ou iconoclastes, le dogme et la remise en question. Il est peut-être de circonstance que je confesse quelque chose: ce scénario est plutôt difficile à résumer. Je ne m'y risquerai donc pas davantage.
On peut dire qu'il y a une bonne dose d'onirisme dans le travail présenté par Luis Bunuel. Sans être absurdes, les situations exposées tout au long de La voie lactée sont pour ainsi dire décalées, souvent à mi-chemin entre une réalité palpable et une illusion aux contours moins définis. Une forme qui, d'ailleurs, rejoint le fond du propos, puisque le réalisateur d'origine espagnole paraît s'ingénier à réclamer de nous un examen de conscience, afin de nous obliger à déterminer si l'existence (supposée) de Dieu nécessite que l'on y adhère de telle ou telle façon. On sent bien que, sans rejeter fondamentalement toute idée de religiosité, le cinéaste se moque ou critique certaines des pratiques des croyants. Ce faisant, je ne saurais dire s'il reprend le message des Evangiles à son compte ou s'il s'en détache. L'intérêt de sa démarche est de s'appuyer sur des citations et données précises, laissant à chacun le choix de sa propre interprétation.
Ce film est donc une expérience, une oeuvre à laquelle il est intéressant de se confronter pour en tirer une substantifique moelle personnelle. Plus de quarante ans après le tournage, j'y vois un appel à l'autonomie des consciences, à la prévalence du libre arbitre. Wikipedia précise que certains milieux catholiques ont vu La voie lactée comme une expression de l'anticléricalisme de son auteur. Impossible de l'exclure totalement. Ce qui est sûr, et que j'ai découvert après avoir vu le film, c'est que Bunuel lui-même s'affirmait "athée grâce à Dieu". Face aux controverses nées autour de son travail, il déclarait n'être favorable ou opposé à rien. Il aurait ainsi simplement voulu livrer une réflexion sur le fanatisme, qu'il soit bigot ou impie. Bref, du cinéma intelligent et qui donne à réfléchir. C'est plutôt bien, ça, comme façon d'aborder les choses, non ?
La galerie des personnages rencontré est plus que cocasse. Mention personnelle pour Jean Piat :)
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