vendredi 13 janvier 2012

Leur solitude à (d)eux

Une chronique de Martin

Il vient juste d'avoir 48 ans et j'ai toujours autant de mal à suivre Nicolas Cage. La première fois que j'ai entendu parler de lui, je crois que c'était dans un article sur son oncle, Francis Ford Coppola. D'après mon souvenir, le tonton n'était pas tendre, lui qui est pourtant habitué à faire tourner une partie de sa famille. Bref. J'avoue quelque difficulté à me faire une idée précise, les choix artistiques de "Nick" étant très variés. J'ai eu il y a peu l'opportunité de le voir dans Leaving Las Vegas, un film qui lui a valu l'Oscar. L'histoire d'un homme seul, alcoolique, en route vers la ville du jeu.

L'avenir de cet homme apparaît très sombre, sans illusion possible. De son passé, le film ne dit pas grand-chose. Ben Sanderson est viré de son travail et quitte le peu d'attaches qu'il lui reste à Los Angeles. Seuls indices sur ce à quoi il tourne le dos: un mot rapide, en voix off, sur l'origine de son addiction et une photo de lui avec une femme et un enfant, qu'il brûle avant de partir. Arrivé à Las Vegas, l'homme solitaire rencontre une autre âme en peine, Sera, prostituée. Première rencontre et premier clash: Leaving Las Vegas semble d'abord revenir sur le terrain connu de l'amour plus fort que tout. J'éviterai de trop en dire, mais c'est un peu plus compliqué que ça. Ajoutons juste une considération technique: l'intrigue est soutenue par la bande originale, composée par le réalisateur lui-même, et, parfois, un travail original et intéressant sur l'atténuation du son.

L'originalité du long-métrage tient peut-être à ce qu'il est en fait tiré d'un récit de Jim O'Brien, en partie autobiographique et déjà publié sous le même titre. L'auteur se serait suicidé quinze jours seulement après avoir vendu les droits de son livre. Autant dès lors éviter Leaving Las Vegas si vous avez l'espoir d'y suivre le chemin tortueux d'une double rédemption. Le scénario oscille en fait constamment entre le pathétique et le mélodramatique. La lumière se fait rare. Quand elle est là, elle n'est souvent qu'artificielle, à l'image finalement des casinos illuminés d'une cité sans âme. Le contraste des situations humaines qui sont ici décrites est aussi celui du film lui-même: le rêve s'efface vite devant la réalité. Nicolas Cage s'avère capable de porter une émotion forte et, en interview, soulignait volontiers que c'est sa partenaire qui l'a porté à ce niveau d'interprétation. Je finirai moi aussi en soulignant qu'Elisabeth Shue est effectivement pour beaucoup dans la beauté de cette histoire. Plus que sur des talents individuels, tout repose sur celui d'un duo.

Leaving Las Vegas
Film américain de Mike Figgis (1995)
L'un des aspects étonnants du long-métrage, c'est encore qu'il est explicite pour tout ce qui attrait non seulement aux conséquences d'un abus d'alcool, mais aussi quant au sexe et à la violence. J'ajoute que, sur ce tout dernier point, l'image en montre parfois un peu trop à mon goût, lors notamment d'une scène de flash-back sur les ennuis de Sera - inutile à la bonne compréhension du personnage. Pas facile maintenant de trouver un autre projet cinéma qui puisse être comparé à celui-là. High fidelity comporte lui aussi ses moments poignants, mais reste dans l'ensemble bien plus positif. Un passage dans une piscine m'a fait songer à Somewhere - dans un contexte différent. Et la déchéance du personnage principal rappelle un peu Que le spectacle commence. Mais silence, j'en ai déjà trop dit...

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