Une chronique de Martin
Ils ne se connaissent pas. Elle est venue accompagner son mari, photographe de mode accaparé par ses clients. Lui, sa femme restée à la maison avec les enfants, tourne sans enthousiasme la publicité d'une marque de whisky. Ils aimeraient partir, mais leur séjour s'éternise dans ce grand hôtel du centre de Tokyo. Charlotte et Bob étaient-ils faits pour se rencontrer ? Pas sûr. Peut-être bien. À force de se croiser, ils finissent par se parler... et s'entendre. Film d'atmosphère, Lost in translation prend son temps. J'ai eu l'envie soudaine de le revoir, une réaction à tout ce qui se passe au Japon. La première surprise qu'il apporte, c'est cette semi-torpeur ostensible dans une métropole qu'on imagine volontiers très animée.
Devenue star en l'espace d'un clin d'oeil, Scarlett Johansson a juste une petite vingtaine d'années quand elle joue Lost in translation. Acteur confirmé, Bill Murray, lui, affiche trois décennies de plus. Crédible, le couple qu'ils forment n'en est pas un: le scénario laisse croire à un possible, mais ne fait rien d'autre que de le suggérer. C'est un peu comme s'il accordait à ses personnages la possibilité d'une parenthèse, d'une respiration dans leur drôle de vie. Et c'est là que, sortis de l'hôtel, Charlotte et Bob nous emmènent avec eux ailleurs, à la découverte d'un monde extérieur encore méconnu. Plongée dans la ville, ses milieux interlopes, ses rues surpeuplées, ses bars à karaoké. Sans trop savoir exactement où mène le chemin.
Ce qui semble une course est en fait une errance. Charlotte et Bob préféreraient avancer, être libres d'engagement, mais on ne sait pas vraiment s'ils en seraient heureux. Le film laisse couler un spleen, une mélancolie que les mots sont insuffisants à exprimer. C'est surtout par la durée de ses plans que Sofia Coppola choisit d'illustrer cette langueur. C'est aussi en filmant ses acteurs, en leur offrant plusieurs occasions de regarder le monde s'activer sans eux, le rêve d'autre chose. Le dénouement est un modèle d'ambigüité, qui permet d'apréhender Lost in translation comme un morceau d'existence(s). En ne révélant pas vraiment ce qui se passera ensuite, cette séance cinéma laisse une porte entrouverte. Lent retour au réel. On reste sur place, sur ce seuil qu'on aurait aimé franchir. Éperdus et perdus.
Lost in translation
Film américain de Sofia Coppola (2003)
Poetry is what gets lost in translation. La poésie, c'est ce qui se perd à la traduction. Cette phrase signée Robert Frost explique le titre choisi pour le film et se vérifie sans doute au regard de ce qui est ici montré. Incapables de parler japonais, Charlotte et Bob n'en sont pas moins sensibles. Sofia Coppola, qui les a imaginés, a le mérite d'être constante dans ses idées: l'expérience permet aujourd'hui de mesurer combien ce film, le deuxième de sa filmographie, annonce Somewhere, celui qu'elle a fini l'année dernière. Bill Murray convainc pleinement: le temps semble lui être tombé sur la tête, un peu comme dans Un jour sans fin, mais de manière bien moins ludique. En harmonie, portée par une photo somptueuse, Scarlett Johansson, elle, brille d'une belle lumière, pâle et quelque peu nostalgique.
Devenue star en l'espace d'un clin d'oeil, Scarlett Johansson a juste une petite vingtaine d'années quand elle joue Lost in translation. Acteur confirmé, Bill Murray, lui, affiche trois décennies de plus. Crédible, le couple qu'ils forment n'en est pas un: le scénario laisse croire à un possible, mais ne fait rien d'autre que de le suggérer. C'est un peu comme s'il accordait à ses personnages la possibilité d'une parenthèse, d'une respiration dans leur drôle de vie. Et c'est là que, sortis de l'hôtel, Charlotte et Bob nous emmènent avec eux ailleurs, à la découverte d'un monde extérieur encore méconnu. Plongée dans la ville, ses milieux interlopes, ses rues surpeuplées, ses bars à karaoké. Sans trop savoir exactement où mène le chemin.
Ce qui semble une course est en fait une errance. Charlotte et Bob préféreraient avancer, être libres d'engagement, mais on ne sait pas vraiment s'ils en seraient heureux. Le film laisse couler un spleen, une mélancolie que les mots sont insuffisants à exprimer. C'est surtout par la durée de ses plans que Sofia Coppola choisit d'illustrer cette langueur. C'est aussi en filmant ses acteurs, en leur offrant plusieurs occasions de regarder le monde s'activer sans eux, le rêve d'autre chose. Le dénouement est un modèle d'ambigüité, qui permet d'apréhender Lost in translation comme un morceau d'existence(s). En ne révélant pas vraiment ce qui se passera ensuite, cette séance cinéma laisse une porte entrouverte. Lent retour au réel. On reste sur place, sur ce seuil qu'on aurait aimé franchir. Éperdus et perdus.
Lost in translation
Film américain de Sofia Coppola (2003)
Poetry is what gets lost in translation. La poésie, c'est ce qui se perd à la traduction. Cette phrase signée Robert Frost explique le titre choisi pour le film et se vérifie sans doute au regard de ce qui est ici montré. Incapables de parler japonais, Charlotte et Bob n'en sont pas moins sensibles. Sofia Coppola, qui les a imaginés, a le mérite d'être constante dans ses idées: l'expérience permet aujourd'hui de mesurer combien ce film, le deuxième de sa filmographie, annonce Somewhere, celui qu'elle a fini l'année dernière. Bill Murray convainc pleinement: le temps semble lui être tombé sur la tête, un peu comme dans Un jour sans fin, mais de manière bien moins ludique. En harmonie, portée par une photo somptueuse, Scarlett Johansson, elle, brille d'une belle lumière, pâle et quelque peu nostalgique.
Envoutant, à voir tard dans la nuit ! Merci Martin de me l'avoir prêté !
RépondreSupprimerS.