Une chronique de Martin
Somewhere, en anglais, ça veut dire "quelque part". Quelque part aux States, et sans doute pas très loin de Los Angeles, Johnny Marco fait, seul, rouler sa Ferrari sur un circuit. Jeune acteur désoeuvré après la sortie de son film, il tourne en rond, à la fois au sens propre et au sens figuré. Une séance photo par ci, une conférence de presse par là: en promo, même les stars hollywoodiennes s'ennuient copieusement au fond de leur palace. L'ennui: c'est l'un des thèmes principaux du nouveau film de Sofia Coppola, que j'avais à vrai dire beaucoup attendu. L'ai-je adoré ? Non. L'ai-je alors apprécié ? Oui.
Autant prévenir ceux qui aiment le cinéma-spectacle: cette oeuvre atypique est tout sauf dynamique. À l'image de la vie de son drôle d'anti-héros, elle est au contraire pleine de torpeur, tout proche même de l'endormissement à de nombreuses reprises. Les choses sont d'autant plus figées que, non content d'avoir du temps à perdre, Johnny Marco se casse le poignet dès l'ouverture du métrage. Un peu minable, à une ex même pas envahissante, il en fait le prix à payer quand on joue soi-même ses cascades. En réalité, le pauvre garçon est tout simplement tombé ivre mort dans un escalier. Somewhere débute réellement quand sa fille débarque à l'hôtel, écrivant un mot doux sur son plâtre alors qu'il dort encore. Pour un nouveau départ.
Cleo - c'est son prénom - sert de gentil détonateur à la routine un peu pathétique de son papa. Devoir s'occuper d'une gamine de 11 ans secoue les puces du grand paresseux et le sort de ses automatismes de vieux loup solitaire. Somewhere s'ébroue alors vers autre chose. Au-delà d'une chronique de l'ennui, il devient un petit objet tendre, une illustration de l'amour sans tâche d'un homme pour son enfant... et réciproquement. En fait, à voir agir Cleo et Johnny, on ne sait plus bien qui est l'enfant et qui est l'adulte, mais peu importe: l'évidence est que ces deux-là sont complices à leur manière, pas nécessairement si proches que ça dans les faits, et pourtant rigoureusement indispensables l'un à l'autre. Sofia Coppola a le chic pour le dire sans le crier. Avec juste quelques mots et situations.
D'emblée langoureuse, la petite musique de Somewhere devient berçante. L'émotion vient doucement, comme en fait tout le reste dans ce film délicat. Je subodore que le résultat ne plaira pas à tout le monde: comme je l'ai dit, moi-même, je n'ai pas adoré. D'aucuns jugent que Miss Coppola, prétendue égérie du cinéma indé US, reste en fait terriblement dans le système. D'autres - ou les mêmes - estiment que l'ex-petite amie de Quentin Tarantino a été pistonnée quand le jury que présidait ce dernier a décidé de lui offrir un Lion d'or à la dernière Mostra de Venise. Toutes ces considérations mises à part, j'ai vraiment passé un bon moment. Ailleurs. Quelque part...
Somewhere
Film américain de Sofia Coppola (2010)
La fille de Francis Ford nous a fait attendre ! Plus de quatre ans déjà qu'était sorti son film précédent, présenté à Cannes: le chic et choc Marie-Antoinette. Pas grand-chose en commun entre ces projets. Ou, si, peut-être une certaine thématique de l'adolescence revenant en sourdine. Beau boulot pour la petite Elle Fanning, très chouette, et Stephen Dorff, d'une touchante sincérité. Je ne sais pas s'il y a quelque chose d'autobiographique dans cette histoire de papa-star qui ne sait pas forcément bien se dépatouiller avec sa progéniture. Énigmatique, la réalisatrice nous offre un "Toute ressemblance avec..." qui laisse mes interrogations sans réponse définitive. Plutôt que de gamberger, je vous proposerais bien de revoir un autre film sur l'envers du décor de la vie d'artiste: Que le spectacle commence, Palme d'or - 1980 - assez rude dans l'univers du cabaret.
Le secret pour apprécier ce film est, je crois, de se plonger dedans corps et âme... Surtout avec son âme pour partager le flot de sentiments non dits du dernier Coppola fille. Je l'attendais moi aussi avec beaucoup d'impatience et avant de m'y plonger, l'ennui a failli me guetter. Assez vite d'ailleurs ! Pourtant, va savoir pourquoi, je me suis plongée dedans. J'ai trouvé Stephen Dorff si touchant que j'ai adhéré à son histoire, à son désoeuvrement, à son mal-être, à sa vie. Sa fille joue n'y est pas étrangère non plus ! Leur relation... Et au final, je suis sortie profondément émue de ce film, en adorant particulièrement la fin : j'ai trouvé le geste très fort. J'ai beaucoup aimé, et effectivement, je trouve que les critiques ont été très dures (enfin, si k'étais d'accord avec elles ça se saurait ;-))
RépondreSupprimerSilvia