samedi 3 décembre 2016

Arnaques (au pluriel)

Que savons-nous des autres ? Quand j'y réfléchis, je me dis que l'un des mérites du cinéma est de sans cesse nous poser cette question. Ainsi, moi qui me crois assez ouvert à la différence, je constate également qu'il m'arrive de ménager des petites cases pour y ranger mes découvertes. Les Asiatiques seraient ainsi "subtils et raffinés"...

Pourtant, subtil et raffiné, ce ne sont pas forcément les adjectifs appropriés pour évoquer Mademoiselle, le premier film du réalisateur coréen Park Chan-wook depuis son retour des États-Unis. Je vais dire deux mots seulement de l'intrigue pour vous donner une petite idée des enjeux: dans la Corée des années 30, en pleine période d'occupation japonaise, une bande de brigands convoite la fortune d'une jeune noble nipponne et, pour mieux la dépouiller ensuite, place auprès d'elle une complice, sous l'apparence d'une simple domestique. Depuis cette idée assez banale, le film déploie ensuite son scénario en un triptyque narratif franchement vénéneux et deux heures vingt environ. Les deux premières parties se répètent, mais en abordant l'histoire d'un point de vue différent. La troisième y met le point final... et le moins qu'on puisse dire, c'est que c'est assez "costaud" ! J'imagine que certains trouveront le film outrancier. Ou déplaisant...

Pour ma part, j'ai pris un vrai plaisir à découvrir ce "puzzle" cinématographique. Aussi gros soient-ils, je n'avais pas vu venir certains rebondissements. À la réflexion, je me dis en fait qu'il faut laisser l'idée de vraisemblance de côté pour apprécier Mademoiselle. Park Chan-wook semble avoir pris un malin plaisir à nous en mettre plein la vue pour mieux nous endormir. La seule approche esthétique du film a été pour moi un ravissement: actrices, acteurs, costumes, décors, mouvements de caméra... j'ai été embarqué tout du long. Comme devant un pudding: au gré de son appétit, on savourera chaque nuance de sucre, on s'en rassasiera ou on s'en sentira finalement écoeuré. Plus que pour beaucoup d'autres productions cinématographiques, je crois bien qu'il est difficilement possible d'avoir une vision unique de celle-là. Surprise: elle s'inspire librement de Fingersmith, un roman signé de la Britannique Sarah Waters, publié en 2002 et inscrit dans le cadre de l'Angleterre victorienne. Bref, je vais continuer à m'interroger sur ce que je sais des autres...

Mademoiselle
Film sud-coréen de Park Chan-wook (2016)

Présenté à Cannes cette année, le long-métrage a fait chou blanc. Pourtant, je l'ai trouvé plus marquant que Old boy, reparti en 2004 avec le Grand Prix du jury... alors présidé par Quentin Tarantino. L'aspect explicite (voire fétichiste) de leur cinéma respectif rapproche les deux réalisateurs, mais je crois bien que je préfère le Coréen. Disons en tout cas que j'espère voir d'autres de ses films pour juger...

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Je vois aussi que notre ami fait parler...

Son dernier opus est ainsi présenté chez Pascale, Dasola et Strum. L'opportunité de constater qu'il ne fait pas (exactement) l'unanimité.

6 commentaires:

  1. Bonjour Martin,

    J'ai aussi préféré Mademoiselle à Old Boy (que j'avais détesté, il faut dire). On est obligé d'admettre que Park a du talent et que ce Mademoiselle est un film réussi dans le genre, mais ce genre n'est pas ma tasse de thé, même si on trouve quelques belles scènes dans ce film. Et merci pour le lien !
    Strum

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  2. Moi, j'ai bien aimé me laisser embobiner, mais sans la mise en scène flamboyante, je pense que j'aurais décroché. D'ailleurs, ayant vu le film deux fois en quelques jours seulement, je l'ai un peu moins apprécié - et trouvé trop long - à la revoyure.

    Pas d'quoi pour le lien ! C'est bien aussi de lire ton avis en contrepoint.

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  3. aaaaaaaah le franchissement du mur : INOUBLIABLE !

    Plus costaud qu'Old Boy ??? Je l'ai revu récemment le Old, il est sévère costaud le Boy je t'assure.

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  4. Je ne sais pas si "Old boy" est plus costaud ou non. Je sais que je l'avais moins aimé.
    Et oui, le franchissement du mur est inoubliable et franchement symbolique. Quelle belle image !

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  5. Cet avis élogieux ainsi que les commentaires laudatifs qui suivent sont autant de coups de poignards qui rouvrent les plaies de mes regrets de n'avoir pas trouvé le temps (la volonté ? l'énergie ?) d'aller voir ce film qui me faisait pourtant envie. Le cinéma est aussi vecteur de frustrations.

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  6. Tu auras peut-être droit à une séance de rattrapage dans quelques années, l'ami.
    C'est vrai que, parfois, la vie nous oblige à faire des choix dans une actualité (cinéma) chargée.

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