vendredi 8 février 2013

Le prince fataliste

J'avais oublié à quel point Le guépard est un beau film. Je l'avais découvert il y a quelques années, avant l'ouverture du blog, et je l'ai revu en janvier, en copie restaurée et sur un écran cinéma de taille raisonnable. Au deuxième rang, j'en ai pris plein la vue. Sorti il y a cinquante ans, Palme d'or du Festival de Cannes, il a certes pris quelques rides, c'est assez logique, mais n'a rien perdu de son intérêt.

L'histoire nous conduit, trois heures et quart durant, sur les terres bientôt italiennes de la moitié du 19ème siècle. Auprès d'une famille de la noblesse sicilienne, on vit les soubresauts de l'histoire, la fièvre unificatrice de Garibaldi et la remise en cause de la féodalité. Mais…

Il faut que tout change pour que rien ne change. La phrase résume presque parfaitement le film et en semble indissociable. Le guépard est aussi le portrait d'un homme, aristocrate non pas acquis aux idées nouvelles, mais qui a compris que le monde va évoluer et tente de s'y adapter, sans se compromettre. Le prince de Salina pressent qu'après la révolution viendront les hyènes et les chacals. Remplaçants des lions, ils reprendront invariablement la même organisation sociale. Par le biais d'un personnage de neveu tapageur magnifiquement joué par Alain Delon, le film montre bien qu'abattre un monde n’est pas forcément en bâtir un nouveau. Et le regard que porte le "héros" interprété par Burt Lancaster sur la société vieillissante de son époque s'avère finalement plus que désabusé, comme si les hommes ne devaient jamais progresser. C'est user d'un euphémisme que de le dire: plutôt que nostalgique, le long-métrage s'avère en réalité franchement désabusé. Assurément, il l'est en toute magnificence.

Adapté d'un roman de Giuseppe Tomasi di Lampedusa, Le guépard luit réellement de mille feux. C'est presque un opéra: la musique composée par Nino Rota pour le film magnifie une photographie somptueuse. Devant certains plans, j'ai eu l’impression de contempler des tableaux. La découverte de ces costumes et décors flamboyants est une expérience cinéphile en soi. Je ne parle même pas du cadre naturel dans lequel s’inscrit cette histoire ! Lui aussi est d'une grande beauté et, dès les premières images, on se sent embarqué vers la Sicile, aux côtés des personnages – je me réjouis d'avoir pu revoir le film dans une version italienne. Avec tout ça, je n'ai finalement dit que peu de choses des acteurs et rien sur la belle Claudia Cardinale, parfaite dans un rôle de femme fatale, farouchement opportuniste. Elle n'apparaît pas tout de suite, mais brille aussitôt, tête d'affiche d'une distribution italienne moins connue, bien que de premier rang.

Le guépard
Film italien de Luchino Visconti (1963)
La preuve par l'exemple qu'Hollywood n'a pas l'exclusivité des fresques historiques ! Un demi-siècle après sa sortie, le long-métrage conserve un écho actuel à la vanité des hommes. Et s'il connaît peut-être quelques minuscules temps morts, sa beauté formelle fait qu'on les oublie au profit d'un sentiment d'admiration. J'en fais donc l'égal d'autres films de la même époque: pour évoquer également l'histoire en marche, Le docteur Jivago est l'un des meilleurs exemples.

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Vous avez dit incontournable ?
Pascale ("Sur la route du cinéma") évoque le film avec les mots choisis d'une amoureuse du cinéma. Les rédacteurs de "L'œil sur l’écran", eux, n'en livrent qu'un court résumé et l'ont visiblement moins aimé.

2 commentaires:

David Tredler a dit…

"Le guépard", je l'avais découvert quand j'étais lycéen, notre prof d'italien nous avais emmené le voir dans un petit cinéma parisien depuis disparu... et on a découvert sur place, au grand dam de notre prof, que le film était projeté en VF !

dasola a dit…

Bonsoir Martin, pas vu depuis longtemps (et pourtant je l'ai en DVD) mais rien que la scène de bal avec la musique de Nino Rota, cela confine au sublime. Tout spectateur cinéphile devrait l'avoir vu. Bonne soirée.