lundi 10 août 2009

La chute d'un parvenu

Avant de faire un break jusque vers la fin du mois, je souhaite parler aujourd'hui de Barry Lyndon, le célèbre film de Stanley Kubrick, sorti en 1975 et que j'ai découvert tout récemment. Près de trois heures de cinéma en costumes, c'est pour moi une garantie, celle de passer probablement un bon moment. Je suis en effet pour le moins friand de ces grandes fresques "à l'ancienne". Encore faut-il ajouter qu'après l'expérience Full metal jacket, je me méfiais quelque peu du maître américain, imaginant que, contrairement à beaucoup d'autres cinéphiles, je n'étais peut-être pas réceptif à son cinéma. Toutefois, quelque chose en moi me disait que, devant une oeuvre aussi protéiforme, il est bon de dépasser un premier avis en donnant leur chance à d'autres longs métrages du même réalisateur. Et, pour le coup, bien m'en a pris car, cette fois, je n'ai pas du tout été déçu de ce que j'ai vu. Le contraire m'aurait à vrai dire étonné, d'autant que, pour dire la vérité, la période au cours de laquelle se déroule l'action du film - la deuxième partie du 18ème siècle - avait déjà considérablement attisé ma curiosité. Un intérêt historique, disons.

Barry Lyndon, donc. La première image avec laquelle j'ai choisi d'illustrer ma chronique est intéressante en ce qu'elle révèle déjà quelque peu le personnage. Ce serait encore plus clair en version animée: le héros du film et son épouse voyagent en calèche, Monsieur fume et Madame, indisposée par la fumée, regarde ailleurs. L'archétype du couple installé dans la routine et qui ne fait plus que vivre ensemble. Ce n'est évidemment pas le sujet du film, pas le seul en tout cas. L'histoire commence alors que le dénommé Barry Lyndon - alors connu sous le nom de Redmond Barry - n'est encore qu'un Irlandais d'origine modeste, orphelin de père et chassé de chez lui après avoir, en duel, causé la mort d'un officier anglais. La deuxième image montre notre homme en fâcheuse posture, alors qu'il est délesté de ses (très) maigres possessions par deux bandits de grand chemin. Elle illustre bien ce point de départ: Redmond Barry n'est finalement rien d'autre qu'un jeune homme fauché, un garçon promis à un avenir terne et solitaire. Le truc, c'est que lui-même a une toute autre vision de son destin idéal. Son absence de scrupules et son opportunisme vont lui permettre de gravir régulièrement, et jusqu'à un certain point, les échelons de la société...

Barry Lyndon peut se diviser en deux parties. Stanley Kubrick découpe même deux chapitres presque égaux. Le premier évoque cette irrésistible et peu reluisante ascension, tandis que le second entend se concentrer sur la décadence d'un méchant homme. Menteur, lâche et arriviste, le héros du film adopte en effet nombre d'attitudes antipathiques, à l'exception des rares moments qu'il passe avec son fils, pauvre garçon gâté et trompé par son père, et trop jeune pour se rendre compte de son comportement. Je ne sais pas vraiment ce que Stanley Kubrick a voulu délivrer comme message autour de ce personnage: s'agissait-il pour lui d'illustrer l'idée selon laquelle la réussite sociale n'est pas un gage d'accomplissement personnel ? Ou, plus simplement, a-t-il entendu signer une charge contre l'hypocrisie d'une certaine classe bourgeoise dominante ? Ou encore un manifeste en misanthropie ? Autant de thèses crédibles, d'hypothèses compatibles. Il y a de tout ça, dans Barry Lyndon. Il y a surtout, je crois, le portrait d'un être malsain, couard et haineux. Signalons ici que ces gros défauts ne déteignent pas sur l'ensemble des autres personnages, ce qui fait que le film n'est absolument pas grinçant. Il n'est toutefois pas moraliste non plus. Chacun jugera selon ses propres valeurs. Pour ma part, j'ai beaucoup aimé ce récit en deux temps et, si c'est possible, davantage encore les techniques utilisées pour le mettre en images, tels ces plans larges ressemblant à des tableaux ou ces scènes d'intérieur éclairées à la seule lumière des bougies. Une magistrale immersion dans le passé !

3 commentaires:

cd a dit…

vu et revu... j'adore...

Jean-Pascal Mattei a dit…

Superbe mélodrame "familial", qui ridiculise, si besoin, la réputation d'intellectuel glacé de Kubrick, alors que chacun de ses films, ou presque compte/provoque les larmes ; et celui-ci, avec la mort de l'enfant, annonce Shining, conte de fées pour adultes "optimiste" malgré sa noirceur, où le gamin, cette fois, survivra...
http://lemiroirdesfantomes.blogspot.fr/2014/11/fear-and-desire-la-ligne-http://lemiroirdesfantomes.blogspot.fr/2014/07/spartacus-savage-messiah.html?view=magazinerouge.html?view=magazine
http://lemiroirdesfantomes.blogspot.fr/2014/12/le-gamin-au-velo.html?view=magazine

Martin a dit…

@Jean-Pascal:

Je n'aurais pas parlé de mélodrame familial, mais je vois ce que vous voulez dire. Votre parallèle avec "Shining" est intéressant. Merci !