lundi 16 juin 2025

Après le crime

Dans une région de la Tunisie, on dit de quelqu'un qu'il est rouge quand on le juge vaillant, résilient, capable de faire face à l'adversité. C'est ce que j'ai appris le mois dernier quand je suis allé au cinéma pour voir Les enfants rouges, le second long-métrage d'un auteur dont le premier film reste inédit en France. Une très belle découverte.

Âmes sensibles, accrochez-vous ! Cet opus revient sur un drame effroyable: l'assassinat de Mabrouk Soltani, un adolescent de 17 ans qui était berger dans les montagnes du centre de son pays. Un acte survenu en novembre 2015 et qui fut revendiqué par l'État islamique. Cet abominable crime accompli, les tueurs ont battu le jeune cousin présent avec le supplicié et exigé qu'il ramène sa tête à la famille. Tout cela est montré de manière directe lors des premières minutes du long-métrage - seul le visage des meurtriers reste alors invisible. C'est ensuite que Les enfants rouges débute vraiment: pas question d'enquête policière ou de vendetta, mais d'observation rapprochée des suites et conséquences d'un telle horreur sur la vie quotidienne d'une petite communauté rurale. On découvre alors la beauté sauvage de cette partie du monde dont, en France, nous ne parlons guère. D'emblée, quelque chose m'a frappé: au lendemain des faits, le décor reste identique ! Comme si, sous ce soleil, rien ne pourrait changer...

Vous pouvez l'imaginer: Les enfants rouges est un film très aride. Minéral comme le cadre dans lequel il s'inscrit, il ne sombre jamais dans le pathos. Au contraire, il témoigne d'une remarquable retenue. Pas de reconstitution racoleuse: ce que le scénario a de plus sombre est exprimé en pleine lumière, sans larmes, sans cris, sans violons. C'est l'occasion aussi d'en apprendre davantage sur l'organisation sociétale d'un pays assez proche du nôtre, géographiquement parlant. Comme d'autres traitant de sujets douloureux, le metteur en scène s'autorise quelques apartés oniriques, sans rien retirer à la puissance de son récit. Pas de doute: nous sommes bien au cinéma. Un cinéma vecteur de mémoire et que je juge de ce fait important car porteur de valeurs universelles. "C'est la dimension intime de cette tragédie que je voulais explorer", a indiqué le réalisateur dans une interview. J'ajoute qu'il y est parvenu sans pourtant tenir à l'écart le spectateur. Il vous faudra sans doute un peu de temps pour reprendre vos esprits.

Les enfants rouges
Film tunisien de Lofti Achour (2024)

Ce long-métrage puissant a été présenté dans plusieurs festivals internationaux et mérite à mes yeux une reconnaissance plus large. J'ai envie de le rapprocher d'un film algérien: Le repenti, une oeuvre tendue où Merzak Allouache évoquait les années noires de son pays. Le terrorisme islamique est aussi l'un des sujets forts de Timbuktu. Fermer les yeux sur ces beaux films serait tout de même regrettable !

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Une dernière précision...
La plupart des acteurs sont amateurs et ils sont tous charismatiques. Une jeune fille incarne même un espoir, le temps de quelques scènes.

Vous voudriez lire un autre avis ?
C'est bien entendu tout à fait possible: je vous relie à celui de Dasola.

6 commentaires:

  1. 0n entend parler de la Tunisie que pour des vacances à Monastir ou Djerba.
    J'ai hésité pour ce film et j'ai renoncé.
    De toute façon avec les nouvelles programatrices, t'as intérêt à te décider vite. Entre leurs horaires étranges et les films kleenex... faut pas cligner des yeux sinon tu ne vois pas les films disparaître.

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    1. Oui, depuis la chute de Ben Ali, j'ai l'impression que ce pays est un peu "laissé de côté".
      Le meurtre dont parle le film est arrivé presque en même temps que l'attentat du Bataclan. Alors...

      Pour le coup, j'ai l'impression d'avoir de la chance avec mes deux cinémas de prédilection, qui diffusent tout de même les bons films un peu plus longtemps. Genre deux semaines au moins.

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  2. Oui ben deux semaines alors qu'il sort 10 films par semaine, c'est chaud.
    Donc je dois m'estimer heureuse.

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    1. J'avoue que je ne comprends pas les exploitants qui ne laissent qu'une semaine aux films.
      Cela dit, je suis allé en voir hier à 18h30 et j'étais littéralement tout seul dans la salle. Dur, dur !

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  3. Je trouve que les cinémas art et essaie cafouillent pas mal avec les horaires.

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    1. Oui, ils jonglent souvent pour faire la place à un maximum de films, je suppose...

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