jeudi 29 mai 2025

Dans un grand flou

Frankie souffre d'une maladie neurodégénérative. Ses mouvements s'en trouvent altérés, ainsi que sa simple capacité de concentration. Son compagnon est mort dans des circonstances troublantes et sa fille a été confiée à la garde de sa belle-mère. Elle a perdu son petit boulot et, faute d'argent, pourrait être expulsée de son appartement. Glups !

S'intéresser ainsi à une ancienne employée de nuit de station-service aurait pu nous conduire vers un énième film social dans l'Amérique des marges. Si The Gazer en est un, il adopte vite un ton particulier. J'avoue que je ne sais plus très bien ce qui m'a attiré à son sujet. Promu à Cannes 2024, côté Quinzaine des cinéastes, ce premier opus d'un ex-électricien originaire du New Jersey sort des sentiers battus. Avec, entre autres influences, les deux David: Lynch et Cronenberg. Quand Frankie rencontre Paige et se voit alors promettre une somme conséquente pour déplacer une voiture, elle n'hésite pas longtemps. Pourrait-elle enfin se tirer de sa vie de galères ? Rien n'est moins sûr. Mais, pour le découvrir, il vous faudra savoir démêler le vrai du faux dans ce long-métrage des plus déroutants, tourné sur pellicule 16mm. Sans lien familial confirmé avec Marcello, Ariella Mastroianni, l'actrice principale, vous embarquera vers un monde aux contours incertains...

Cet univers est aussi le sien: elle a participé à l'écriture du scénario. Malgré le grain de l'image, je n'y ai pas tout à fait retrouvé l'ambiance des purs thrillers paranoïaques américains des décennies 1970 et 80. Vous noterez toutefois qu'un gros travail a été accompli sur le son. Désormais, je suis à vrai dire curieux de savoir comment un tel film sera accueilli par le public (en imaginant qu'il restera confidentiel). Moi ? Je l'ai vu avec deux copains... et nous étions trois dans la salle. Je crois pouvoir affirmer que nous avons tous apprécié le "spectacle". Il est souvent désagréable: j'ai eu à plusieurs reprises une sensation d'enfermement, qui trouve probablement toute ou partie de sa source dans le fait que The Gazer a partiellement été écrit pendant la crise du Covid - une période dont l'impact sur les arts n'est pas à négliger. Le temps qui passe sera peut-être un atout important pour ce genre d'histoires, déjà appréciables aujourd'hui. À vous de voir et de juger !

The Gazer
Film américain de Ryan J. Sloan (2024)

Croyez-moi: ce n'est pas tous les jours qu'on tombe sur un tel OFNI. Je trouve d'ailleurs réconfortant que des artistes osent de tels gestes. Visuellement, le film est assez proche d'un autre que j'ai découvert récemment: Variety, datant, lui, de 1983 et chroniqué toute fin avril. Au rayon des films noirs, je crois judicieux de revoir Soeurs de sang. Et/ou, pour son atmosphère particulière, le fascinant Under the skin.

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Une petite précision d'ordre linguistique...

Même s'ils ajoutent souvent un "The" devant, j'ai la nette impression que les distributeurs de cinéma peinent souvent à traduire les titres anglais. The Gazer ? "Celle qui regarde fixement" (ou "dans le vide").

2 commentaires:

  1. Donc, rien à voir avec "gazer" ou "Gaza"...
    (c'est bon, je sors!)
    (s) ta d loi du ciné, "squatter" chez dasola

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